Le son du futur
Auparavant, le monde était un lieu calme, sinon silencieux à l’exception des phénomènes météorologiques. Le bruit qui venait interrompre ce silence n’était ni intense, ni prolongé, ni varié. Un souffle de vent, une charrette, un cri de poule, çà et là.
Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle qu’on commença à faire du Reuz (du bruit) à la suite de l’invention des machines et on ouvrit ainsi un champ infini de sons nouveaux plus ou moins bruyants.
Les bruits, comme le cycle de la vie, sont des sons qui naissent, vivent et meurent quand d’autres se créent. Il y a des sons qui nous manquent, des sons qui nous rendent nostalgiques et nous arrêtent net, bloqués dans le rétroviseur. Ces sons, vous les connaissez.
Qui se souvient de la mélodie du projecteur super 8, du son de locomotive, du bruit strident du Minitel ou du vieux modem avec sa fin presque mélodique. Par exemple, je me souviens très exactement des boutons d’allumage de notre Hi-Fi familiale de marque Pathé-Marconi en 1981. Chaque élément avait son propre bruit, à tel point que je pouvais précisément deviner à l’oreille dans quel ordre mon père avait allumé l’ampli, le lecteur-cassette, la radio ou la platine vinyle.
Tous ces sons, sont l’œuvre d’un travail acoustique, mais aussi le fruit d’heureux hasards d’ingénieurs qu’on a tenté de minimiser ou de rendre agréable.
Mais ces sons n’existent plus (pour certains). Ils ne sont plus présents que dans notre subconscient ou dans quelques banques de données sonores.
Dans les sons du présent, je m’arrête souvent sur celui de la sonnerie de réception d’un Short Message Service. Vous savez, ce petit « blop » (chacun aura sa perception) qui bouscule un peu la quiétude de nos voyages en transport en commun mais que notre cortex a complètement reconnu et intégré aujourd’hui.
Mais quels seront les bruits du futur ? Bien malin pour le dire, les sons du futur étant naturellement liés à des nouvelles pratiques technologiques, des environnements qui se modifient, des éléments qui n’existent pas encore et dont le son se révèlera à nos oreilles.
Et surtout, qui va créer l’esthétique musical de notre futur environnement, pourrons-nous seulement en décider ? Le Reuz ? Des acousticiens, des scientifiques, des gourous du marketing, des ingénieurs sans poésie, des politiques… ? A quoi serons-nous sensibles, comment notre oreille devra être capable d’associer un son à un nouveau phénomène, une nouvelle pratique.
Plus généralement, je me pose la question : quel sera le nouvel environnement sonore dans nos villes, demain, – étant entendu que le silence a définitivement cessé d’exister. Si le silence apaisait, il est aujourd’hui perçu dans nos vies urbaines presque comme un son.
Un son sans bruit propice au frisson, au vide, à l’angoisse, c’est terrible.